PROLOGUE il ne vous reste plus que quelques semaines encore à jouir de la douce capitale avant que d'immenses fêtes élégiaques parachèvent vos derniers jours au collège royal où tant d'heureux jours se sont écoulés en la compagnie de vos camarades. C'est une petite fin mais les prémices d'une grande aventure !
Du long de ses contrées fantastiques, au fil de ses péninsules et de ses hauteurs vertigineuses, l’Entreterre est le périple, la fantastique couronne qui fait d’une histoire un mythe et des hommes des légendes. Derrière la reliure dorée de ses récits, sous l’encre éloquente de ses pages, dans la péripétie haletante qui en traverse les chapitres, l’Entreterre est un chef d’oeuvre sans épilogue qui enfante héros et monstres pour jouer de grandes épopées où l’amour fleurit au bord des tragédies et les conflits humains sont parfois les plus terribles. Sa fresque, parée des nuances infinies d'âmes par milliers, n'attend aujourd'hui plus que vous.
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !
J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
Tu l'as dit : C'en est fait ; ni fuite ni refuge
Devant l'assaut prochain et furibond des flots.
Ils avancent toujours. C'est sur ce mot, Déluge,
Poète de malheur, que ton livre s'est clos.
Mais comment osa-t-il échapper à ta bouche ?
Ah ! pour le prononcer, même au dernier moment,
Il fallait ton audace et ton ardeur farouche,
Tant il est plein d'horreur et d'épouvantement.
Vous êtes avertis : c'est une fin de monde
Que ces flux, ces rumeurs, ces agitations.
Nous n'en sommes encore qu'aux menaces de l'onde,
À demain les fureurs et les destructions.
C’est parce que le coeur du royaume de Suzeron ne connaît qu’une seule et belle saison que son premier monarque l’a baptisé Éternelle. Des plaines verdoyantes ondoient à perte de vu sous un ciel d’azur battu d’innombrables créatures ailées. Les plus impressionnantes sont sans nulles doutes les gryphons de l’empyrée qu’on aperçoit voler jusqu’à Couronne, la capitale. Peu de suzeronnais habitent en réalité les terres d'Éternelle en dehors de son unique ville, parce que pour en préserver l’époustouflante beauté, il a été décidé depuis des siècles d’y limiter les flux migratoires. Pourtant ses sols fertiles abrités par une voûte clémente seraient la solution idéale aux problèmes naissant de surpeuplement auquel est confronté le royaume. Et la classe paysanne en a terriblement conscience.
Annexée il y a toute juste cent-cinquante ans, Castelonne est désormais une région frontalière du royaume de Suzeron. Bordée à l’est par l’océan à l’ouest par Bordemont et au sud par l’empire d’Ostereich, c’est un lieu d’une importance économique capitale en raison de sa position qui facilite les échanges mercantiles par voies les terrestres et maritimes. C’est aussi à Castelonne que sont cultivés la vigne, l’olivier et l’olivier car son climat très sec l’été en favorise l’agriculture. Son relief morcelé comprend plaines, montagnes et régions côtières. Il y existe une importante division chez sa classe roturière, divisée entre ceux qui exploitent la terre et ceux qui ont fait fortune dans le commerce.
Séparée de Castelonne par une infranchissable chaîne montagneuse, Bordemont est un territoire naturellement protégée par son relief escarpée qui a permis l’érection de nombreuses places fortifiées. Ses montagnes abritent néanmoins de belliqueux clans barbares aussi occupés à se battre entre eux qu’à tenter de piller la région. Bordemont est le panier à pain du royaume. Dans ses bassins généreux sont récoltés la majorité du blé de Suzeron et donc naturellement s’y concentre la majorité de sa population paysanne. En croissance constante, elle pose aujourd’hui un problème difficile à résoudre d’autant plus que de nombreuses créatures dangereuses errent dans son domaine, irrémédiablement attirés par ses nombreux habitants et protégés par son traître relief ; un double tranchant.
Givrée la moitié de l’année par un hiver cinglant, Brumaire est en guerre permanente avec le peuple des steppes qui vagabonde à l’extrême nord du continent. En conséquent ses nobles sont de loin les plus aguerris du royaume et c’est sur son sol gelé qu’affluent en masse les chevaliers de Suzeron en quête d’honneur et de gloire. Dans le sillage de leurs nobles expéditions, de nombreuses églises et paroisses furent érigée et c’est donc à Brumaire que la tradition chevaleresque et religieuse de Suzeron est la plus forte. Ses pieux habitants vont diront que l’existence même de Brumaire et sa capitale, Nivéale sont la volonté de la Dame car sans elle, nulle homme ne serait capable de survivre en ses terres hostiles.